Les Grandes Landes de Trébédan
Infolettre n°6 - Octobre 2025
Les jours raccourcissent et la fraîcheur s’installe doucement sur les Grandes Landes. Les fougères se teintent de roux, la molinie dore le sol et les arbres commencent à perdre leurs feuilles, dessinant un paysage tout en nuances. Loin d’être triste, la lande entre simplement dans son repos d’hiver, prête à se régénérer. Pendant ce temps, les bénévoles s’activent : la clôture s’achève, les sentiers se préparent à accueillir la pluie, et déjà se dessinent les projets pour le printemps prochain.
A la une...
Quand l'eau se fait rare !
Cet été, les Grandes Landes ont souffert d’un manque d’eau inédit. Dès le mois de juillet, les mares se sont vidées, les sols se sont durcis et la molinie, d’un vert éclatant au printemps, a jauni bien avant l’heure. Les droséras ont résisté jusqu’à la mi-septembre, mais la grassette du Portugal s’est faite presque invisible cet été.

Un été sec, prolongé, qui laisse entrevoir ce que pourrait devenir la lande si ces épisodes venaient à se répéter. 

Les fluctuations naturelles du niveau d’eau font partie de la vie des zones humides, mais la fréquence accrue des sécheresses interroge leur capacité à se régénérer. Ces milieux jouent pourtant un rôle essentiel : ils stockent et filtrent l’eau, limitent les crues, nourrissent les nappes et abritent une biodiversité exceptionnelle. 
Aux Grandes Landes de Trébédan, chaque goutte compte : l’eau qui s’infiltre ici rejoint la Rosette, puis l’Arguenon, contribuant directement à la qualité de l’eau du bassin versant. 
Un des deux mares de la réserve : en mai à gauche, en septembre à droite. © Y. Meneux
Sous la lande, l’eau : étude hydrologique aux Grandes Landes de Trébédan
Depuis le début de l’année, Matthieu Péchard, ingénieur en milieux aquatiques, conduit une étude approfondie sur le fonctionnement hydrologique de la réserve. 
Ses observations révèlent une nappe phréatique vivante mais fragilisée par les aménagements passés - fossés drainants, plan d’eau artificiel, ligneux envahissants.
L’équilibre, jadis si fin, s’étiole lentement ; la lande s’assèche, et les espèces inféodées aux milieux humides reculent. Des actions de restauration sont à l'étude : restaurer les écoulements naturels, combler certains fossés, redonner sa place à l’eau libre et à la lumière sont autant d’actions simples qui rendront à la lande son caractère humide.
Matthieu Péchard procédant à un levé bathymétrique sur l'étang. © Y. Meneux
L'actu de l'été...
Écopâturage : cinq ânes pour une mission naturelle
De mi-juin à mi-septembre, les Grandes Landes ont accueilli cinq ânesses venues de Brusvily, confiées par André et Martine Maillard. Une transhumance toute locale, mais ô combien précieuse pour la réserve : ces paisibles travailleurs à grandes oreilles ont prêté leur appétit à la cause de la biodiversité. 
Au fil des semaines, ils ont brouté la molinie, cette grande graminée dominante qui, sans intervention, finit par étouffer la flore plus fragile. Ils ont aussi effeuillé et écorcé les jeunes saules, bourdaines et bouleaux, redonnant de la lumière à certains secteurs. En revanche, les ânes ont boudé les sous-bois, où la fougère-aigle a prospéré, non “foulée” par leur passage. C’est un bon indicateur pour ajuster, l’an prochain, la durée ou la répartition du pâturage afin de mieux contenir cette espèce envahissante. 
Entre deux siestes à l’abri du vent, nos compagnons à sabots ont trouvé un coin de fraîcheur inattendu : la plate-forme d’observation, dont ils ont un peu goûté et "grignoté" les marches par curiosité ! Rien de grave cependant et un rapide bricolage sur les marches a écarté le problème. 
En bref : un été de cohabitation réussie entre nature et animaux domestiques, où chacun a contribué, à sa manière, à l’entretien doux et vivant des Grandes Landes.
A gauche : "Je crois que c'est le bon coin, on y va ?" © A. Maillard
A droite : "Dépêche-toi de brouter, les autres arrivent !" 
© Y. Meneux
Les suivis et inventaires
Observer, noter, comparer… tout l’art des inventaires naturalistes
Jean-Christophe Dudicourt a mené les relevés ornithologiques du printemps et a poursuivi l'identification des odonates (libellules et demoiselles) présents dans la réserve.
Catherine Demay, de son côté, a suivi l'inventaire des reptiles et amphibiens. 
Enfin, le 26 juillet, les botanistes de l'antenne ont conduit l’inventaire botanique annuel. 
Ces suivis, précieux et réguliers, alimentent la mémoire scientifique du site et guident les choix de gestion.
Les visiteurs de l'été : curieux, rêveurs et passionnés
Cet été encore, les Grandes Landes ont accueilli botanistes, photographes, jeunes et familles, pour un moment d’évasion ou de découverte. 

13 avril - Un dimanche à la campagne : Olivier Babut et Yannick Meneux ont accompagné un petit groupe d’adhérent.e.s de l’antenne venu découvrir et observer le monde végétal de la réserve.

18 mai – Botanistes nantais en exploration : Sous un ciel encore printanier, une vingtaine de naturalistes venus de la région nantaise ont parcouru la lande, carnet à la main. Ici une bruyère à quatre angles, là une touffe de molinie, plus loin un jonc acutiflore… Chaque pas a apporté son lot de trouvailles et de discussions. 

12 juin - L'Université du Temps Libre de Dinan fait l'école buissonnière : Bernard Clément a fait découvrir l'écologie et le fonctionnement des Grandes Landes à un groupe "d'étudiant.e.s".

15 juin – Les photographes de Bain-de-Bretagne : Une quinzaine de membres du club photo Arrière-Plan ont profité d’une belle lumière malgré les nuages, les Grandes Landes ont inspiré de superbes clichés.

26 juillet – Les scouts de Dinan en bivouac nature : Une vingtaine de jeunes scout.e.s qui avaient planté leurs tentes à Trébédan, ont parcouru la réserve à la découverte de la faune et de la flore locale... et de l'histoire des landes bretonnes.

21 septembre – La grande chasse au trésor : Dans le cadre des Journées européennes du patrimoine, le groupe Animation de l’antenne Rance-Émeraude a imaginé une chasse au trésor pour faire découvrir les landes humides aux enfants. L’orage, venu trop tôt, a malheureusement écourté la journée.
Près d’une centaine de visiteurs et visiteuses ont arpenté la réserve entre mai et septembre : preuve que la curiosité et la nature font toujours bon ménage.
Quand les ânes deviennent les stars estivales des Grandes Landes © UTL/Y. Meneux
En bref...
Une exposition à ciel ouvert
Catherine Demay et Gaël Lechapt, photographes amateurs de l’antenne Rance-Émeraude ont offert quelques unes de leurs photos pour créer des bâches grand format (80 × 120 cm), installées en septembre le long du chemin d’enceinte. 
Elles offrent aux promeneurs un aperçu sensible de la richesse faunistique et floristique des Grandes Landes : rainette, orvet, libellule,  mésange ou encore grassette du Portugal s’y dévoilent grandeur nature. 
Une exposition simple qui fait le lien entre art, nature et engagement bénévole... et qui sera remise en place dès le printemps prochain !
Dans la presse
Le 11 juin 2025.... Un grand merci à Catherine Bouenard, correspondante Ouest-France
Pour lire la suite...
Chantiers en cours ou à venir !
Depuis la fin octobre, les bénévoles se relaient pour achever la pose de la clôture commencée au printemps. Ce travail patient permettra de mieux gérer le pâturage, sécuriser les zones fragiles et guider les promeneurs. Entre coups de marteau et thermos partagés, ces journées d’entretien sont aussi de vrais moments d’échange et de convivialité. 

Cet hiver : débroussaillage, petit bûcheronnage et remise en état de la signalétique du sentier. Les volontaires seront toujours les bienvenus !

© Y. Meneux
Gros plan sur...
le lézard vivipare (Zootoca vivipara)
...un petit reptile bien de chez nous, discret mais étonnant.

Un habitué des milieux frais et humides : Contrairement à la plupart de ses cousins reptiles amateurs de chaleur, le lézard vivipare apprécie les landes humides, les tourbières et les prairies spongieuses. Sa robe brun-cuivrée, souvent ornée d’une ligne dorsale plus sombre, le rend presque invisible dans la végétation sèche de molinie.

Un reptile pas tout à fait comme les autres : Son nom dit tout : “vivipare” signifie qu’il met au monde directement des jeunes, au lieu de pondre des œufs. Cette adaptation remarquable lui permet de se reproduire dans des milieux froids et humides. 

Un champion de discrétion : Craintif, le lézard vivipare file à la moindre vibration. Il capture insectes et araignées d’un coup de langue rapide et abandonne parfois un morceau de sa queue pour échapper à un prédateur. 

Un indicateur précieux : Présent sur la réserve depuis les premiers inventaires, il est un excellent témoin de la qualité écologique du site. Sa présence régulière confirme que les Grandes Landes offrent encore ces équilibres rares où la vie sauvage trouve sa place.
De gauche à droite : lézard vivipare, carte de répartition du lézard vivipare, une des 20 plaques "reptile" des Grandes Landes. © Y. Meneux/Wikimedia Commons
Le POP Reptiles dans les Grandes Landes

Le protocole POP Reptiles (pour Programme de suivi des populations d’Observatoires Participatifs) vise à mieux connaître l’évolution des reptiles en France, en particulier dans les espaces naturels protégés. Ces espèces, souvent discrètes et sensibles aux changements de milieu, sont d’excellents indicateurs de la qualité des habitats. 

Sa mise en œuvre est simple mais rigoureuse : les observateurs suivent un parcours fixe, jalonné de plaques-refuges (en tôle ou en feutre bitumé, cf. Image ci-dessus) disposées au sol. Ces abris attirent les reptiles, qui viennent s’y réchauffer. En les soulevant régulièrement, toujours selon le même protocole et aux mêmes périodes, on note les espèces observées, leur nombre et les conditions météo.

Ces données, collectées sur plusieurs années, permettent de détecter les tendances à long terme (disparition, stabilité ou recolonisation d’espèces) et d’orienter la gestion de milieux pour préserver au mieux leurs zones de vie.

Un grand merci à Catherine Demay, qui met en œuvre ce protocole avec passion et rigueur sur la réserve depuis maintenant trois ans, contribuant ainsi à une meilleure connaissance des habitants discrets des Grandes Landes.
Histoire d'ajoncs...
l’ajonc, or vert des landes bretonnes
"Quand l’ajonc pique, l’hiver s’en va !", dicton du pays gallo.
Ajoncs nains et callune dans les Grandes Landes. © Y. Meneux
Les trois ajoncs de Bretagne
La Bretagne abrite trois espèces d’ajoncs, toutes adaptées à des milieux et des saisons différentes. 
L’ajonc d’Europe (Ulex europaeus), le plus grand et le plus répandu, fleurit dès la fin de l’hiver et illumine les talus de février à mai. On le rencontre surtout sur les sols secs et ensoleillés. 
L’ajonc nain (Ulex minor), plus discret et plus souple, se plaît dans les landes humides où il fleurit de juin à octobre, souvent aux côtés des bruyères et callunes. 
Enfin, l’ajonc de Le Gall (Ulex gallii), intermédiaire entre les deux, occupe les landes plus sèches et fleurit surtout en été.
Les 3 ajoncs de Bretagne © LPO
Un compagnon de la vie rurale
Fauché, pilé, brûlé ou mangé… l’ajonc fut longtemps au cœur de la vie rurale bretonne. Fourrage d’hiver pour les chevaux, litière, combustible et engrais, il entretenait un lien étroit entre les paysans et leurs landes.
Aujourd’hui, les pratiques de gestion écologique renouent, d’une certaine manière, avec cet héritage : maintenir la lande ouverte, équilibrée, et riche de vie. 
De la fleur au sirop : une douceur inattendue 
Si ses épines dissuadent le curieux, ses fleurs d’un jaune éclatant, odorantes et légèrement amandées, réservent une surprise. Dans certains coins du Finistère, on en préparait autrefois un sirop ou un vin parfumé, au goût subtil rappelant la vanille et la noix de coco. L’ajonc, symbole de rudesse, cache donc aussi un visage gourmand et raffiné.
Un symbole de courage
Dans la tradition populaire, il est la plante du courage et du renouveau. Ses rameaux, jadis brûlés à la Saint-Jean pour éloigner la malchance, rappellent aussi la force de la terre bretonne - rude, lumineuse et toujours vivante. Et chaque année, quand il refleurit en plein vent, l’ajonc semble rappeler à sa manière qu’ici, même les épines portent de la lumière.
Une beauté bretonne devenue envahissante ailleurs 
De part sa rusticité, l’ajonc a été semé sur les sols pauvres de tous les continents. Il s’est tellement bien adapté sur tous les sols acides, même en milieu quasi tropical, qu’il est devenu invasif, notamment sur l’Ile de la Réunion et en Nouvelle Zélande.
Là-bas, sans ses prédateurs naturels ni les pratiques agricoles traditionnelles, il forme de véritables fourrés impénétrables, qui concurrencent la flore locale et favorisent les incendies. 
Ironie du sort : cette plante symbole d’équilibre dans les landes bretonnes est devenue, ailleurs, un modèle d’espèce envahissante… preuve que tout dépend du contexte et de la manière dont on vit avec la nature.
© photos : Y. Meneux/Wikimedia Commons
Biologie et écologie de l’ajonc nain 
L’ajonc nain (Ulex minor) est un petit arbrisseau épineux typique des landes humides atlantiques. Plus bas et plus souple que l’ajonc d’Europe, il forme des buissons denses, rarement hauts de plus d’un mètre. Il affectionne les sols acides, pauvres et mal drainés, souvent en compagnie de la molinie, des bruyères et des sphaignes. Sa floraison, d’un jaune lumineux, s’épanouit surtout en été et au début de l’automne, apportant de la couleur à la fin de la belle saison. Comme toutes les Fabacées*, il vit en symbiose avec des bactéries qui fixent l’azote atmosphérique, contribuant à enrichir légèrement le sol. Espèce rustique et pionnière, l’ajonc nain joue un rôle clé dans la stabilité et la régénération naturelle des landes bretonnes.
À toutes celles et ceux - bénévoles, éleveurs, visiteurs ou curieux - qui ont participé à faire vivre ce lieu cette année : un immense merci. L’hiver sera studieux, mais plein de promesses. Le printemps reviendra, et avec lui, les chants d’oiseaux et les floraisons nouvelles. 

À très bientôt sur les sentiers des Grandes Landes de Trébédan. 
Yannick Meneux, Conservateur bénévole.
Zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique de 25 ha appartenant à la commune de Trébédan, cette réserve de nature est d'une richesse écologique remarquable. Elle est gérée par les bénévoles de Bretagne Vivante (Antenne Rance-Emeraude).
En savoir plus sur les Grandes Landes de Trébédan
Les Grandes Landes de Trébédan sont une réserve biologique associative gérée depuis 1999 par Bretagne Vivante. Pour nous suivre ou nous contacter...
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